Samedi 07 octobre 2023, 67e jours d'après: 13 décembre 2023
Depuis l’entrée dans Gaza, ils sont au nombre de 104, hier huit sont morts, ils s’appelaient Tomer, Roy, Moshe Abraham, Ahia, Liel, Ben Sheli, Russel Hom,Uriya. On a cogné à la porte des familles pour annoncer leur perte .
« Le réel c’est quand on se cogne » (Jacque Lacan) le réel c’est quand on se cogne à la réalité. Michel Gad Wolkowicz nous avait parlé dans le colloque de Schibboleth du sentiment de déréalisation, de télescopage entre l’imaginable,l’inimaginable et la réalité de ce qui s’est passé le 07 octobre. Deux mois se sont passé depuis et jour après jour on se cogne, on se fracasse devant le réel de la guerre. La guerre qui prend le regard jour après jour de jeunes de vingt ans, qui ne sont plus, ces sourires sur les photos, ces sourires qui ne souriront plus jamais parce que là-, bas plus au sud ils meurent. Ou se trouve notre réalité : celle que l’on s’est construite toute une vie ? Un métier, une famille, des amis, deshabitudes, une image de soi, un statut social et puis on se cogne au regard d’unpetit fils perdu entre réel et réalité ! Quand le réel est la mort, comment se forger sa propre réalité ? la guerre c’était dans les livres, c’était avant, c’est maintenant.
On peut s’enfoncer dans la pensée, analyser, s’informer, débattre des options militaires (bien qu’on n’y connaisse rien) réfléchir et puis il arrive un moment ou on se cogne, le réel frappe à la porte de la réalité : l’émotion, les larmes surgissent à l’évocation, au souvenir du regard du grand petit fils qui vient de perdre son frère d’armes, celui avec qui il a souffert pendant les classes, celui étranger à lui au commencement et devenu frère au bout de peu de temps. Cefrère n’est plus, pris dans une embuscade dans un lieu que l’on dit sacré et qui cache des tunnels d’où la mort a surgit. Alors, combien est dérisoire le bénévolat, combien est surréaliste notre vie : nous allons au restaurant, nous pratiquons notre sport, nous sommes bien à l’abris sous Kippat Barzel et plus au sud les frères se battent pour nous et meurent. En pensant l’événement parce que le vivre est impossible c’est un peu, beaucoup s’éloigner de nos émotions, de nos larmes. Laisser parler les émotions ne libère pas mais nous pousse à rester dans lapulsion de vie pour pas s’enfoncer dans celle de la mort. Faire, écrire, parler,pleurer ce n’est pas oublier. Être présent, à côté, simplement parce que des mondes s’entrechoquent, ceux des frères qui tombent et ceux de l’arrière ainsi que l’on dit, l’arrière qui vit presque comme avant. Le réel se cogne, nous nous cognons à un réel de cauchemar et nous devons en faire notre réalité.
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