Chroniques:Patrick Abel

Samedi 07 octobre 2023, 86e jour d’après : (31 décembre 2023)

 

La fin de l’année 2023 approche à grand pas et nous allons rentrer dans 2024 et la fête du nouvel an n’est pas de mise. Depuis le 13 décembre je suis rentré dans un silence de cette chronique. Une chape de plomb, une charge s’est faite plus lourde avec tous les matins une vision de ses sourires qui ne sont plus. L’année nouvelle arrive et 2023 restera marquée à jamais par le jour funeste du pogrom du 07 octobre avec son lot d’angoisses existentielles, de déréalisation de l’événement et de ce qui en a suivi dans le monde à travers des expressions antisémites surgissant du plus jamais ça d’après Shoah. J’ai repensé à un travail fait en 2007 qui s’intitulait Silence et transmission, Shoah 2° génération ; j’y relatais mon introspection personnelle des traces mémorielles de la Shoah que mes aïeux m’avaient transmises à travers leur silence du trauma qu’ils avaient vécu, une expérience de non-sens comme l’appelle Nathalie Zajde. Ce silence de transmission vers les deuxièmes et troisième génération et au-delà, des traumas de la Shoah a été nécessaire pour les rescapés et leursenfants afin que s’installe ce que Eva Weil nomme une période de latence, période de latence familiale mais aussi collective, puisque ce n’est que vers les années 1970 que le travail de mémoire a été initié et que les psychologues et psychanalystes se sont penchéssur la transmission post-générationnelle de la Shoah. Comment pouvait-il en être autrementpour un fils ou une fille de rescapé ou de déporté ? était-il possible de construire une vie sur le traumatisme d’un parent déporté, sur un événement fondateur en négatif ? Le silence permettait de vivre, de survivre. Ce fut un silence résiliant parce qu’un trauma ne fait pashistoire de vie. Levinas parle de tumeur dans la mémoire, d’autres psychanalystes parlent decroissance post traumatiques, de radioactivité se diffusant à travers le silence pour les générations d’après.

Je ne peux m’empêcher de penser que ce même silence de réparation s’installe, va s’installer après le pogrom du 07 octobre et ses conséquences de non-sens. La parole, les mots ne viennent pas, face aux familles des otages, face aux nouvelles, jours après jour des soldats morts, On peut s’enfoncer dans la pensée, analyser, s’informer, débattre des options militaires (bien qu’on n’y connaisse rien) réfléchir et puis il arrive un moment ou le silence est de mise. 

 

Nous sommes partis il y a quelques jours à Shokda, un Moshav face à Be’eri, Shalom nous a accueilli avec une gentillesse et une vérité incroyable. Sabrina a raconté dans son post sa journée du 07 octobre et son quotidien :

« Quand on demande à Shalom comment en étant si près de Beeri leur Moshav a été épargné, il répond naturellement : c’est très simple, un miracle… 

Le samedi 7 octobre, après avoir dévasté Beeri, 40 ou 50 terroristes étaient en route, à pied dans la forêt qui sépare Beeri de Shokda… 

Un hélicoptère est passé dans le ciel, les terroristes ont visé leur roquette sur lui, l’hélicoptère a été un peu touché, les soldats non et ils ont tué les 50 terroristes… 

Effectivement, un miracle… 

Shalom est d’une douceur et d’une gentillesse incroyable… Ils sont les plus touchés en fait. Ils n’ont absolument rien. Pas d’aide du gouvernement pour le moment, pas d’ouvriers (il avait 40 saisonniers Thaïlandais et 30 gazaouis) 

 

Il est en colère bien sûr, contre les voisins à qui il donnait tant et qui sont venus sans vergogne égorger et tuer, contre le gouvernement qui selon lui a abandonné l’agriculture locale, il a l’air résigné… 

Il passe sa semaine seul dans le village - sa famille est délocalisée à Eilat avec le reste du Moshav- à essayer d’entretenir tant bien que mal ses champs… 

C’est un vrai désastre… d’abord pendant un mois c’était à l’abandon total et maintenant il est seul. Il a vraiment besoin d’aide. »

Ces trois photos résument L’Israël que nous vivons : la guerre, la solidarité et les fruits de l’avenir juif qui continueront de fleurir sur Eretz.