Samedi 07 octobre 2023, 100e jour d’après : (15 janvier 2024)
Être juif ou exister juif ?
היום ראיתי הדבר הכי קשה בחיי, לראות את כל הילדים שגידלו אותי מתפרקים מכאב
« Aujourd'hui, j'ai vu la chose la plus dure de ma vie, voir tous les enfants qui m'ont élevé s'effondrer à cause de la douleur » a dit ce jeune israélien de vingt ans en assistant à la mise en terre de Dan Wajdenbaum, 24 ans, EEIF du même groupe Ron Arad que lui, 187e soldats morts à Gaza depuis le 07 octobre
Tous ces enfants, parents, ont grandis, ont fait leur Alyah il y a longtemps parce qu'ils croyaient en une idée toute simple qui a pour nom : sionisme, le retour à Sion, le retour vers une autre vie, une vie meilleure. Ils ont eu des enfants qui ont grandis à leur tour, ils leur ont transmis l’amour d’Israël, ils leur ont transmis des valeurs de respect, d’humanité, ils leur ont transmis l’espoir, celui du plus jamais ça, celui d’une réalisation d’un rêve de deux mille ans. Henriette et moi nous nous sommes posé la question : ont-ils bien fait ? on t’il réalisé que leurs bébés allaient devenir des femmes, des hommes qui allaient se battre les armes à la main, devenir des combattants pour que ce rêve perdure ? on t’ils réalisé le pire ?
Le rêve, depuis le 07 octobre et devenu un cauchemar, parce que tous les matins un ou plusieurs de ces beaux bébés meurent à gaza, leurs sourires s’affichent et restent gravés dans nos mémoires. Des mères, des pères, des sœurs, des frères, des amis, tout un peuple, toute une nation pleurent ces sourires éteints à jamais. Les enfants qui ont élevés ces soldats s’effondrent de souffrance. Nous sommes effondrés et la nuit qui suit les funérailles est agitée, le matin nous réveille groggy.
Tout cela parce que les enfants, parents ont décidé un jour de quitter la « douce France » de monter en Israël. Parce qu’ils sont juifs mais pas seulement.
Ont-ils bien fait ? aurait-il été plus protecteur de ne plus être, de ne plus être juif et ainsi de protéger ses bébés. Certains y ont pensé en oubliant d’où ils venaient. (Dans mon livre : En quête de nom j’avais écrit : Une génération a dit : « Je ne suis pas ce que Hitler a décidé, je suis ce que j’ai décidé d’être, je suis sans attache identitaire, sans religion, sans lien avec un passé qui ne peut m’amener que des souffrances. Je ne suis pas ce qui m’oblige à l’exil dans mon propre pays, je veux choisir mon propre exil en extirpant de moi ce qui ne m’appartient plus. Je n’ai aucune appartenance parce que l’appartenance c’est la négation de moi-même. Je suis uniquement le juif de Jean-Paul Sartre, celui que l’antisémite fait juif, celui qui n’est juif que dans le regard de l’autre. Et s’il n’y a plus d’antisémitisme, il n’y aura plus de juif ! Et si je ne suis rien, ni juif, ni chrétien, personne ne saura d’où je viens. Je crois contrôler, décider de ce que je suis, ce que je veux être…Le statut social va me désigner uniquement comme tel. Mais le statut social ne désigne que l’avoir, pas l’être. Le même Sartre qui fait juif dans le regard de l’antisémite, dans « l’être et le néant », définit le présent « non pas comme l’être mais comme une présence, présent à la maison, au travail... » et le philosophe poursuit : « à la différence du passé qui est en soi, le présent est pour soi... le pour soi n’est pas l’être... le pour soi est présent sous forme de fuite... le présent est une fuite perpétuelle en face de l’être… l’être est constitué par un venir à soi de son être. »
Être juif, Ce n’est pas seulement être, avoir une présence de juif, c’est exister en tant que juif. Exister c’est se tenir dehors selon l’étymologie. Jacques Derrida : « l’essence de la judaïté..., c’est l’attente de l’avenir, l’ouverture du rapport à l’avenir, l’expérience de l’avenir... non seulement une espérance en l’avenir, mais l’anticipation d’une espérance spécifique en l’avenir. Ce que nous propose le sionisme c’est traduire le passé en présent, transférer le choc du passé, les souffrances refoulées en une autre forme de langage revivifiée au présent. Le peuple juif est un peuple de l’exil, un peuple de traumatisés mais cela est sa richesse et ses traumas sont ce matériau à traduire, l’exercice millénaire de l’exégèse cette faculté d’interpréter, de traduire de transférer un passé en écriture de soi.
Les enfants qui souffrent aujourd’hui ont décidé d’exister plus que d’être présent en tant que juif et leurs enfants ne se posent plus cette question d’être ou d’exister ils sont israéliens et se battent pour exister.
Mais le prix à exister est lourd de douleurs, le tragique se vit tous les jours et qu'il est difficile de transformer les souffrances d'aujourd'hui en espoir de demain!
Dan tu n'es plus mais tu existeras toujours juif.
Am Israël Hay
15 janvier 2024
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