Samedi 07 octobre 2023 203e jour d’après: 22 Avril 2024




Ce Seder, nous ne sommes pas bien, nous ne sommes pas bien depuis plus de deux cent jours.

Ce Seder, nous le faisons en famille, au complet, moins un et ce n'est pas un Seder comme les autres.

Ce Seder, nous parlons de cette fête qui est refusée à ceux qui ne sont plus là, à ceux qui sont otages, à ceux qui sont blessés, à ceux qui n'ont plus de maison pour accueillir le texte.

Ce Seder, j'ai écouté la Haggadah, je ne me suis pas défilé dans mon refus d'être présent lors de la lecture.

Ce Seder, à propos de Moise et de la sortie d'Egypte un ami proche me disait: peu importe que l’histoire soit vraie, ce qui compte c’est que ce soit une vraie histoire. Et je me suis posé la question: mais pourquoi répéter et répéter toujours et toujours ? Parce qu'une histoire qui se répète devient une légende et une légende qui se répète devient un mythe, une vraie histoire suppose la transmission de générations en générations par la lecture du mythe fondateur. Alors pour eux, les générations, je suis venu.

Ce Seder c'est ce mythe que nous racontons, l’histoire de la naissance de liberté, celle d’un peuple, d’un collectif et d’un individu libre. Elle raconte que Dieu n’a pas créé le peuple juif mais l’a libéré. Tout comme la pâte nous n’avons pas le temps de nous reposer, nous devons choisir, et non subir.

Ce Seder, nous sommes en Egypte et nous recommençons le chemin initiatique et nous mesurons ce que le mot liberté veut dire.

Ce Seder, nous avons du jaune dans nos coeurs et nous pensons aussi à nos grands parents.
Ce Seder, nous pensons à eux qui ont tant chéri la liberté retrouvée après la Shoah, ils nous manquent mais ne manquent pas à l'histoire d'aujourd'hui. Les pogroms, la Shoah, l'antisémitisme sont accoudés à notre table.

Ce Seder nous entrecoupons le texte millénaire de poèmes d'aujourd'hui et d'hier, celui d'Avner Goren, enfant de fondateurs du Kibboutz Nir Oz, assassiné avec sa femme Maya le sept octobre. Avner nous parle de ce monde multiculturel qu'il rêvait à l'image d'une salade de fruits avec toutes les senteurs qui se mélangent. Ce monde n'est plus et il y a peu d'espoir qu'il revienne de sitôt.

Ce Seder nous écoutons David Grossman nous parler d'espoir, ce texte est d'avant; si nous l'écoutons aujourd'hui l'espoir ne l'habite plus: "Qui serons-nous, quel genre de personnes serons-nous après ces jours, après avoir vu ce que nous avons vu. Où recommencer après la destruction et la perte de tant de choses en lesquelles nous croyions, en lesquelles nous avions confiance ?" nous dit il.

Ce Seder, nous ne sommes pas bien, le poids est trop lourd pour les jeunes épaules du Hayal qui est rentré pour la fête. Il n'y est pas; Il est ailleurs avec ses frères qui ne sont plus là, trop nombreux qui ne seront pas autour de la table. C'est lourd. dans Totem et Tabou Freud reprend les mots de Goethe: Ce que tu as hérité de tes pères, Acquiers-le afin de le posséder, Ce qu’on n’utilise pas est un pesant fardeau. le seder de Pessah est cette acquisition de cet héritage de conquête de la liberté d'être ce que nous sommes. Nos générations connaissent ce pesant fardeau qui nous a encombré et qu'il a fallu débusquer dans les tréfonds de notre inconscient pour le transformer en pulsion de vie. Je garde l'espoir que ce fardeau imposé à nos jeunes puisse se transformer un jour afin qu'ils puissent surmonter ce qu'ils vivent. L'absence de leurs frères est lourde, trop, beaucoup trop maintenant. Nous serons toujours présent à leur côté et nous ferons de notre mieux.

Ce Seder nous ne sommes pas bien. Dans beaucoup de famille une place vide est réservée pour un otage . David Grosmann nous le confirme, nos enfants ne seront plus comme avant, nous ne serons plus comme avant mais nous recommencerons encore et encore à vivre, à chérir la liberté.

Ce Seder nous ne sommes pas bien mais comme dit mon amour parfois: ça va aller, il faut y croire!




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