Samedi 07 octobre 2023 237e jour d’après: 29 mai 2024
ברידער, עס ברענט*
A la suite du pogrom de Przytk survenu le 9 mars 1936, le poète Mordechai Gebirtig écrivit en 1938 un poème intitulé "Undzer shtetl brent" notre shtetl brûle. Il m'a inspiré ce qui suit.
Celle qui a accueilli mes arrière grands parents au début du siècle dernier.
Celle qui a accueilli mes beaux parents dans les années 30.
Celle qui a protégé Hirsch pendant la Shoah.
Cette maison brûle et vous regardez.
Celle qui nous avait fait un nid douillet sous la couette de la laïcité.
Cette maison de France était notre maison et elle brûle.
Nous avons grandi, nous avons été nourris de sa culture, de sa langue.
Nous y avons travaillé, construit un foyer au coeur de ses murs. Nos enfants et nous- mêmes nous avons appris à l'aimer comme une mère patrie.
Cette maison qui nous constitue brûle
Nos enfants l'ont quittée et s'apprête à quitter ses murs et son toit qui s'effondre.
La maison brûle avec sa nostalgie du temps passé
Le ventre est toujours fécond et les incendiaires sont sortis du bois
Ils ont allumé le feu de leur haine anti-juive
Les écoles juives brûlent sous les balles de tueurs d'enfants.
L'école brûle: on assassine ses hussards.
Les rues brûlent de slogans antisémites et anti- sionistes .
Les" Charlie" brûlent : on tue pour des caricatures.
Les bars, les salles de spectacles brûlent sous les balles des tueurs.
Notre maison est devenue une auberge espagnole dans laquelle règne la tribalisation.
Personne ne vient éteindre l'incendie excepté avec des mots inutiles et désuets.
Ils regardent la maison brûler, nous n'avons pas attendu d'hypothétiques pompiers.
D'israélites citoyens, nous sommes devenus français juifs, puis juifs français puis juifs de France et aujourd'hui sionistes.
Nous l'avons quittée avant que le feu ne se propage dans ses fondations,
La maison brûle et nous jettent dehors, alors rentrons à la maison.
Le père qui avait vécu la guerre, caché dans un village français puis dans un camp de jeunesse pétainiste, jeunesse et montagne refusait d'être juif car, disait il cela n'apporte que des emmerdements.
Ils n'avait pas tort mais pouvait- il réellement choisir de ne plus être ?
Nous sommes retournés vers le lieu où nous ne sommes pas nés.
En ce jour les regrets sont absents en nos coeurs, ne reste qu'une espérance déçue et passée.
Nous sommes tristes, en colère de voir se consumer ce que nous pensions être notre maison
Nous sommes inquiets pour les amis qui dorment encore dans ses murs
Ils pensent être à l'abri dans leur château fort , les remparts de l'aisance les protégeant des pyromanes
Les murs sont solides mais résisteront- ils longtemps aux déchaînements des torches de haine ?
Dans notre nouvelle maison le feu tragique est arrivé le 07octobre, plus fort, plus violent, pogromiste.
Dans cette maison Les filles et fils de la maison ne regardent pas les flammes, ils partent traquer les incendiaires jusque dans les trous qu'ils ont creusés pour se terrer;
Ce sont nos enfants , les enfants de notre maison qui se battent pour elle.
Nombreux, trop nombreux sont ceux que l'on pleure.
Chaque jour, chaque matin nous nous réveillons avec un sourire qui n'est plus dans la maison.
Chaque jour nous espérons revoir les otages revenir à la maison.
Nous n'avons plus de maison familiale francaise , elle est enfouie dans nos souvenirs et c'est bien ainsi.
Camus disait ma patrie c'est ma langue, elle nous reste à jamais.
Ils ont tout brulé et ils regardent, seul le foot subsiste dans nos coeur de supporters.
ברידערלעך, ס׳ברענט! *
אױ, אונדזער אָרעם שטעטל נעבעך ברענט!
בײזע װינטן מיט ירגזון
רײַסן, ברעכן און צעבלאָזן
שטאַרקער נאָך די װילדע פֿלאַמען,
אַלץ אַרום שױן ברענט.
און איר שטײט און קוקט אַזױ זיך —
מיט פֿאַרלײגטע הענט,
און איר שטײט און קוקט אַזױ זיך —
אונדזער שטעטל ברענט!
ס׳ברענט! ברידערלעך, ס׳ברענט!
אױ, אונדזער אָרעם שטעטל נעבעך ברענט!
ס׳האָבן שױן די פֿײַערצונגען
דאָס גאַנצע שטעטל אײַנגעשלונגען —
און די בײזע װינטן הוזשען,
אונדזער שטעטל ברענט!
און איר שטײט און קוקט אַזױ זיך. . .
ס׳ברענט! ברידערלעך, ס׳ברענט!
אױ, עס קען חלילה קומען דער מאָמענט:
אונדזער שטאָט מיט אונדז צוזאַמען
זאָל אױף אַש אַװעק אין פֿלאַמען,
בלײַבן זאָל — װי נאָך אַ שלאַכט,
נאָר פּוסטע, שװאַרצע װענט.
און איר שטײט און קוקט אַזױ זיך. . .
ס׳ברענט! ברידערלעך, ס׳ברענט!
די הילף איז נאָר אין אײַך אַלײן געװענדט,
אױב דאָס שטעטל איז אײַך טײַער,
נעמט די כּלים, לעשט דאָס פֿײַער,
לעשט מיט אײַער אײגן בלוט,
באַװײַזט, אַז איר דאָס קענט.
שטײט נישט, ברידער, אָט אַזױ זיך
מיט פֿאַרלײגטע הענט,
שטײט ניט, ברידער, לעשט דאָס פֿײַער —
אונדזער שטעטל ברענט !
S’brent! Briderlekh, s’brent!
Oy, undzer orem shtetl nebekh brent!
Beyze, vintn mit yirgozn
Raysn, brekhn un tseblozn
Shtarker nokh di vilde flamen,
Alts arum shoyn brent.
Un ir shteyt un kukt azoy zikh
Mit farleygte hent,
Un ir shteyt un kukt azoy zikh-
Undzer shtetl brent!
S’brent! Briderlekh, s’brent!
Oy, undzer orem shtetl nebekh brent!
S’hobn shoyn di fayertsungen
Dos gantse shtetl ayngeshlungen —
Un di beyze vintn huzhen,
Undzer shtetl brent!
Un ir shteyt un kukt azoy zikh…
S’brent! Briderlekh, s’brent!
Oy, es ken kholile kumen der moment:
Undzer shtot mit undz tsuzamen
Zol af ash avek in flamen,
Blaybn zol vi nokh a skhlakht,
Nor puste, shvartse vent!
Un ir shteyt un kukt azoy zikh…
S’brent! Briderlekh, s’brent!
Di hilf iz nor in aykh aleyn gevendt,
Oyb dos shtetl iz aykh tayer,
Nemt di keylim, lesht dos fayer.
Lesht mit ayer eygn blut,
Bavayzt, az ir does kent.
Shteyt nit, brider, ot azoy zikh
Mit farleygte hent.
Shteyt nit, brider, lesht dos fayer —
Undzer shtetl brent!
It burns! Brothers, it burns!
Our poor shtetl pitifully burns!
Angry wind with rage and curses
Tears and shatters and disperses.
Wild flames leap. they twist and turn,
Everything now burns!
And you stand there looking on
Hands folded, palms upturned,
And you stand there looking on
Our shtetl burns!
It burns! Brothers, it burns!
Our poor shtetl pitifully burns!
Tongues of flames with force and power
Have our villages devoured —
And the wild wind howls and churns.
Our shtetl burns!
And you stand there looking on…
It burns! Brothers, it burns!
God forbid the moment may affirm,
When our city which now holds us
Will as ash and flames enfold us,
Signs of slaughter leaving all –
With black and empty walls!
And you stand there looking on…
It burns! Brothers, it burns!
Help can only come if you return
Love which shtetl once inspired,
Take up arms, put out the fire.
Douse it with your blood – be true,
Show what you can do!
Don’t just stand there looking on
Hands folded, palms upturned,
Don’t just stand, put out the fire —
Our shtetl burns!
Il brûle, mes frères, il brûle !
Oy, notre pauvre village brûle
Des vents mauvais avec fureur
S’élèvent, cassent et dispersent
Plus forts encore que les flammes sauvages,
Tout autour de nous brûle déjà.
Et vous êtes là et vous regardez cela
Les bras croisés
Et vous êtes là et vous regardez cela
Comment notre village brûle. Il brûle, Mes frères, il brûle
Oy, notre pauvre village brûle
Déjà
les langues de feu ont
Dévoré tout le village
Et les vents mauvais hurlent
Tout le village brûle aux alentours
Et vous êtes là et vous regardez cela. Il brûle ! Mes frères, il brûle !
Oy, le moment terrible peut venir :
Notre village et nous avec lui
Partirons en cendres emportées par les flammes
Il ne restera, comme après un massacre
Que des murs ruinés et noircis
Et vous êtes là et vous regardez cela. Il brûle mes frères, il brûle
Oy, notre pauvre village brûle
En vous seul est le secours
Si le village vous est cher
Prenez les seaux, éteignez le feu
Éteignez-le de votre propre sang
Prouvez que vous le pouvez
Et vous êtes là et vous regardez... Ne restez pas, frères, à regarder
Les bras croisés !
Ne restez pas, frères, ainsi sans rien faire
Éteignez le feu
Notre village brûle !
(1938)
Magnifique chronique Patrick : forte et combative : chapeau !
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