Samedi 07 octobre 2023, 417e jour d’après: 13 novembre 2024
le curseur de l'histoire
D’après Michaël R. Marrus et Robert Paxton, l’origine de l’antisémitisme de Vichy se trouve dans deux événements, à répercussions différentes:
Le premier a lieu le 25 mai 1926 : Schwartzbard, juif d’origine ukrainienne, engagé volontaire dans l’armée française lors de la Première Guerre mondiale et héros des tranchées de Verdun, abat le dénommé Petlioura, ancien dirigeant nationaliste ukrainien en exil, sous le gouvernement duquel ont été perpétrés les plus sanglants pogroms du début du 20ème siècle. Maître Henry Torrès, avocat de Samuel Schwartzbard, transforme son procès en procès des pogroms. Dans sa plaidoirie, il en appelle notamment à la France de l’Abbé Henri Grégoire. Le 26 octobre 1927, Samuel Schwartzbard est acquitté, le jugement est accueilli aux cris de « vive la France, vive le jury français, vive la République ». A l’initiative du secrétaire de Maître Torrès, Bernard Lecache crée à la suite de ce procès la Ligue contre les pogroms, qui deviendra la LICA puis la LICRA. Quelques semaines plus tard, le Parlement adopte une loi remarquablement libérale sur la naturalisation, qui allège pour des milliers de juifs les souffrances de l’exil.
Le deuxième événement c'est celui du 7 novembre 1938 : un autre juif étranger, allemand d’origine polonaise, Herschel Grynszpan, assassine en plein Paris le diplomate allemand Ernst Von Rath, avec les mêmes motivations que Samuel Schwartzbard mais cette fois pour attirer l’attention sur le sort de ses parents et des juifs d’Allemagne. A l’inverse de son camarade de 1926, il sera arrêté avec sa famille et livré aux nazis en juin 1940. Ala suite de cet assassinat, en Allemagne le parti nazi provoque un véritable pogrom dans la nuit des 10 et 11 novembre 1938 : 267 synagogues incendiées, 91 juifs assassinés, 30.000 internés dans des camps de concentration, et au moins 7500 boutiques juives saccagées, c’est la fameuse Nuit de cristal. Les rouages de l’Histoire se mettent alors en place lentement mais sûrement et les événements s’inscrivent dans un processus inéluctable qui mènera aux actions du gouvernement français contre les étrangers.
En élargissant au monde j'y ajouterai un troisième événement :
En 1938, Le président Franklin D. Roosevelt, réagissant à une pression politique grandissante, demanda la tenue d'une conférence internationale pour faciliter l'émigration des réfugiés d'Allemagne et d'Autriche, et pour mettre sur pied une organisation internationale qui travaillerait à une solution globale du problème. Au début du mois de juillet 1938, les délégués de 32 pays se réunirent sur les bords du lac de Genève, à Evian en France. Roosevelt choisit Myron C. Taylor, un homme d'affaires et un ami proche, pour y représenter les Etats-Unis. Pendant cette réunion de neuf jours, les délégués exprimèrent les uns après les autres leur compassion envers les réfugiés. Mais la plupart des pays, y compris les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, invoquèrent diverses raisons pour ne pas accepter davantage de réfugiés. Seule la République dominicaine accepta de recevoir des réfugiés supplémentaires (1)
l'histoire ne se répète pas, elle bégaie.
Ces trois événements ne sont pas comparables avec la situation actuelle de L'antisémitisme en Europe et dans le monde et pourtant ils montrent leurs enchainements inéluctables. Aujourd'hui nous n'avons pas affaire en Europe et dans le monde occidental à des antisémitismes d'Etat et cela tendrait à nous rassurer sous le prétexte que ces mêmes Etats protégeraient les juifs grâce à l'état de droit. L'histoire ne se répète donc jamais sous la même forme, le nazisme est anéanti et peu s'y revendique ou presque. Comparaison n'est donc pas raison: le gouvernement de la France ne va pas éditer de lois anti-juives, le gouvernement allemand ne va pas déporter ses juifs et pourtant aucune instance internationale ne se réunit pour endiguer le problème "juif"
L'histoire donc bégaie et j'en viens à ma comparaison du curseur. Jour après jour nous voyons cette aiguille pencher inexorablement dans le rouge. Ce curseur de l'histoire ne s'arrête jamais de basculer, une fois qu'il est déclenché, l'équilibre n'est jamais au centre, il bascule toujours de droite à gauche et inversement. L'aiguille de l'antisémitisme , jour après jour , bascule dans le rouge. Chaque jour l'aiguille bascule vers le pire. Depuis la bascule du 07 octobre il est sorti du ventre de la bête immonde, il se répand dans toutes les branches de la société occidentale; rien ne semble l'arrêter et surtout pas les beaux discours. Il est relayé par des partis politiques, passant de la rue aux instances parlementaires, il irrigue le sport, les universités, la culture en se propageant comme une déferlante tel un tsunami prenant de la puissance au fur et à mesure qu'il progresse.
L'histoire nous apprend cela: quand un processus est enclenché, rien ne le stoppe, il va toujours vers le pire. Mais il n'y aura pas de conférence d'Evian pour se demander quoi faire des réfugiés juifs fuyant l'antisémitisme parce que aujourd'hui l'Etat juif existe et c'est sa mission première d'accueillir tous les juifs du monde. Aujourd'hui toute notre famille est réunie en Israel et je loue cette clairvoyance. Restons pessimiste, c'est la seule voie possible pour les juifs du monde. Pessimistes non mélancoliques mais actifs.
A observer le curseur balancer vers le rouge, bon nombre se demande quand va-t-il se retrouver à l'horizontal, c'est à dire trop tard ? Certains s'illusionnent sur un revirement vers l'équilibre du centre, c'est un risque à prendre mais, ainsi que je le pense, cela n'arrive jamais: la course vers le pire est toujours l'option prise par l'histoire.
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