Samedi 07 octobre 2023, 476e jour d’après: 25 janvier  2025

Il est des moments où les événements se bousculent dans notre mental et la charge émotionnelle explose, exponentielle en regard de ce que nos coeurs peuvent supporter. Hier soir nous avons été voir le film de Michel Hazanavicius, tiré du conte de jean Claude Grumberg "la plus précieuse des marchandises" les images d'animation ponctuées de la voix profonde du narrateur,  Jean Louis Trintignant  ravivant en nous les traces mémorielles de l'histoire familiale. 

C'était le Samedi 06 janvier 2024, 8h30 la place des otages remplie de cyclistes à l'appel de l'association de triathlon. Un stand distribue des tee-shirts avec la photo de Naama. Des centaines, peut être quelques milliers de cyclistes sont présents à l'appel pour penser à Naama, qui pratiquait le triathlon.  9h , départ pour Raanana où elle habitait. Les voitures de police ouvrent la route, des policiers en scooter bloquent les routes adjacentes. Des drapeaux bleus et blancs s'agitent sur les trottoirs. Le peloton parcourt les vingt kilomètres stoppé par quelques arrêts aux feux rouges, les cliquetis des pédaliers ponctuent les redémarrages. Jeunes, très jeunes, moins jeunes et mêmes plus vieux, tous casqués sur des vélos de toutes catégories sont unis en fraternité et en pensée solidaire. Cela semble dérisoire de rouler revêtu avec une photo de Naama et un peu inutile, est- ce que ça va aider à sa libération ? Non et pourtant nous sommes là en roulant comme elle, quand elle s'entraine, nous roulons, changeons de braquet, contournons les nids de poule, parfois nous nous mettons en danseuse, nous nous rasseyons sur nos selles; comme si elle était avec nous dans ce peloton solidaire, comme si toutes nos pensées s'envolaient vers l'enfer de sa vie d'aujourd'hui. Une fois dans le Parc de Raanana  quelques discours des proches sont prononcés, une minute de silence et avant le retour vers Tel Aviv le chant de l'Espoir est entonné.


Aujourd'hui, 25 janvier 2025, 476 jours après leur enlèvement, 384 Jours après notre randonnée en vélo, Naama, Daniella, Liri et Karina  rentrent à la maison. A chaque sortie de vélo, je pensais à Naama, le sticker restera longtemps collé sur le cadre et ma prière à moi a été exhaussée avec ces coups de pédales.


Aujourd'hui nous sommes à deux jours de  la commémoration de la libération d'Auschwitz par les troupes soviétiques. C'était il y a 80 ans, le 27 janvier 1945.  Chaque année je  relis  le récit que j'en avais fait dans mon livre sur la vie de Hirsch: le froid est glacial, la Sola, affluent de la Vistule, est gelée, le soleil éclaire le camp. Les gardes allemands tuent encore 700 personnes alors que les soviétiques sont aux portes du camp. Le crématoire II en ruine,  recouvert d’un blanc manteau, c’est ainsi que les troupes de la 100eme division soviétique le découvre lorsqu’ils pénètrent dans Birkenau vers 15h30. Hirsch voit alors l’horizon  bouger, se mouvoir. Il croit que c'est la fin, son esprit délire, la neige ne peut bouger. Ce sont des fantômes qui viennent vers lui. En fait ce sont des soldats russes habillés de blanc avec leurs uniformes d’hiver qui viennent mettre fin au cauchemar: embrassades, joie indescriptible devant des soldats qui se laissent faire. Quelques jours après, deux hôpitaux de campagne sont mis en place dans le camp. La carte de déporté de juillet 1945 indique que Hirsch, mon grand père est atteint du typhus, qu'il a les pieds gelés, une bronchite chronique et de l’eczéma. Les diagnostics futurs en vue de l’obtention d’une pension d’invalide concluront que l’origine de ses  infirmités  sont dues à sa déportation. Il souffre ce que l'on nomme à l'époque le  Syndrome de Targowla caractérisé par fatigue physique et intellectuelle rapide, troubles de la mémoire, du sommeil, du caractère, vertiges, céphalées. Dans une communication le P. Lefebvre, professeur agrégé du Val-de-Grace, explique le Syndrome de Targowla : "Le syndrome d’hypermnésie émotionnelle paroxystique tardive est ainsi appelée parce qu'elle entraine la résurgence, de façon répétitive et angoissante, de jour comme de nuit, de rêves qui s'accompagnent de réactions de sursaut et qui expriment la remémoration de scènes tragiques. Elle a pu apparaître chez des déportés, plus ou moins longtemps après leur libération, d'où son nom de "tardive" Il est aussi marqué par : asthénie, fatigabilité physique et psychique rapide, perte d'élan vital, troubles de l'humeur et hyperémotivité troubles qui entrainent une modification de la relation à l'entourage, crises d'anxiété et d'angoisse, ainsi qu'un sentiment de dévalorisation et de préjudice nourrissant la tonalité dépressive de l'humeur."


Le Syndrome de Targowla continue ses ravages dans la mémoire juive et les nazis ont des descendants qui sont animés de la même haine. Ce syndrome de Targowla que l'on nomme  aujourd'hui syndrome post traumatique va agir comme une radioactivité dans la vie des rescapés du 07 octobre et dans une moindre mesure chez tous les israéliens qui ne seront plus les mêmes.

Je regarde ses visages de jeunes palestiniens autour des voitures de la croix rouge emmenant les jeunes filles, ils sourient,  ils  assistent à un spectacle. La semaine dernière, autour de ces mêmes voitures, c'était une démonstration de force en uniforme et Kalachnikov pétaradants, des hommes armés sautant sur les ambulances,  l'inhumanité la plus totale les habite. Je repense aux nazis qualifiant les juifs de  "stuck",  de morceaux, les réduisant à des objets pour mieux les massacrer; ainsi agit le Hamas dans l'éducation des jeunes et ils sourient à la vue de ces "juives" qui ont été prises comme des "stucks"  En 1937 déjà Céline se demandait:« Mais tout d’abord, comment faut-il les appeler. Rien n’est plus délicat. Je me demande si un numéro d’ordre dans chaque profession ne ferait  pas      mieux l’affaire ?...Un matricule par exemple. » 
Rien n'a changé, rien ne change chez nos ennemis. Chez nous, tout a changé : Israel existe, existera et plus rien ne nous fera redevenir des "stucks et nos pensées vont vers les 90 otages non libérés avec une émo-tion particulière pour nos bébé à tous : Ariel et Kfir le plus jeune otage du monde.
עם ישראל חי


Commentaires

  1. Wajsfisz Sylvain 😘25 janvier 2025 à 13:32

    Le 27 janvier je soufflerais mes 71 bougies et ma petite Lya 3. Bougies , depuis des années je suis partagé entre la joie et la tristesse , la joie de célébrer la Vie et la tristesse de la Shoah .

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